jeudi 6 août 2015

Shinda onna no ko - 死んだ女の子 (Fr)

Pour mon 1er article sur un "grand standard" japonais, j'avais choisi un titre qui n'est pas vraiment un "hit", ni même d'origine 100% japonaise ! En fait, je n'avais pas choisi, l'actualité l'avait fait pour moi en ce mois d'août 2015...

Shinda Onna no Ko - 死んだ女の子

Hiroshima, mon amour


English version here.
1ere publication: 06/08/2015.
Dernière MaJ: 27/09/2017.

Histoire


Shinda onna no ko, "la petite fille morte", est en fait à l'origine un poème pacifiste... turc (Kız Çocuğu en vraie VO), écrit en 1955-56 par Nazim Hikmet Ran, en commémoration du bombardement atomique d'Hiroshima et Nagasaki les 6 et 9 août 1945 par les Etats-Unis. Mais comme on va le voir et contrairement à ce que pourraient penser certains, il ne s'agit pas de culpabiliser une seule nation ni de faire diversion des victimes du Japon, mais plus largement de questionner les adultes et surtout les puissants de ce monde capables de raser une ville en appuyant sur un simple bouton: en quoi ces petites "victimes collatérales" seraient-elles coupables, ou simplement négligeables ?

La chanson fut probablement interprétée pour la première fois en japonais par le chanteur folk Takaishi Tomoya (高石ともや) en 1967, s'inspirant de la version... américaine (!) de Pete Seeger (1962). Puis elle est plus largement remarquée lorsqu'une chanteuse de style traditionnel Shima uta d'Amami (îles entre Okinawa et Kyûshû), Hajime Chitose, et le célèbre compositeur Sakamoto Ryûichi la remettent en musique et l'interprètent en 2005 devant le Dôme de l'explosion pour la cérémonie des 60 ans.
C'est le professeur Nakamoto Nobuyuki (中本信幸), qui avait traduit le texte en japonais dès 1961 dans une collection de poèmes du monde ; Sakamoto a choisi d'arranger une musique du compositeur Toyama Yûzô (外山 雄三) de 1978.

Dans cette chanson, le fantôme d'une petite fille de 7 ans morte dans l'explosion démarche les vivants pour raconter son calvaire et demander un monde sans guerre. Dans l'imagerie japonaise, on pensera plutôt à Sasaki Sadako ( 佐々木 禎子) née en 1943 et morte d'une leucémie due aux radiations justement en 1955, alors qu'elle avait réalisé plus de 600 des 1000 grues en papier censées accorder un vœux de guérison ou de longévité selon la légende, et qui a depuis sa statue à Hiroshima.

Vidéo-clips

Dans la playlist suivante, des reprises des versions de Hajime Chitose-Sakamoto Ryûichi et de Takaishi; à comparer aux premières versions américaines, de Pete Seeger et The Byrds (cf. Interprètes notables).
La version de Hajime Chitose ne possède en effet pas de clip, mais vous pouvez en écouter un extrait via ce lien CD Japan vers l'album 平和元年 (Heiwa gannen) pour découvrir son style de chant traditionnel. Dans une interview, Hajime Chitose explique en effet qu'elle ne souhaitait pas que son interprétation soit banalisée, mais au contraire fortement associée à cette commémoration (cf. Anecdotes et Interprètes notables). 



Paroles et romaji

Source: livret de l'album Hanadairo de Hajime Chitose et transcription phonétique (romaji)

あけてちょうだい たたくのはあたし
Akete chôdai tataku no wa atashi
 あっちの戸 こっちの戸 あたしはたたくの
Atchi no to kotchi no to atashi wa tataku no
 こわがらないで 見えないあたしを
Kowagara nai de mienai atashi wo
 だれにも見えない死んだ女の子を
Dare ni mo mienai shinda onna no ko wo

 あたしは死んだの あのヒロシマで
Atashi wa shinda no ano Hiroshima de
 あのヒロシマで 夏の朝に
Ano Hiroshima de natsu no asa ni
 あのときも七つ いまでも七つ
Ano toki mo nanatsu imademo nanatsu
死んだ子はけっして大きくならないの
Shinda ko ha kesshite ookiku naranai no


炎がのんだの あたしの髪の毛を
Honoo ga nonda no atashi no kami no ke wo
 あたしの両手を あたしのひとみを
Atashi no ryoute wo atashi no hitomi wo
 あたしのからだはひとつかみの灰
Atashi no karada wa hitotsu kami no hai
 冷たい風にさらわれていった灰
Tsumetai kaze ni sarawareteitta hai

あなたにお願い だけどあたしは
Anata ni onegai dakedo atashi wa
 パンもお米もなにもいらないの
Pan mo okome mo nanimo iranai no
 あまいあめ玉もしゃぶれないの
Amai amedama mo shabure nai no
紙きれみたいにもえたあたしは
Kamikire mitai ni moeta atashi wa

戸をたたくのはあたしあたし
To wo tataku no wa atashi atashi
平和な世界に どうかしてちょうだい
Heiwa na sekai ni dôkashite chôdai
炎が子どもを焼かないように
Honoo ga kodomo wo yakanai yô ni
 あまいあめ玉がしゃぶれるように
Amai amedama ga shabureru yô ni
炎が子どもを焼かないように
Honoo ga kodomo wo yakanai yô ni
 あまいあめ玉がしゃぶれるように
Amai amedama ga shabureru yô ni

Traduction personnelle

Ouvrez-moi s'il vous plaît, à moi qui frappe à votre porte
Ici et là, je frappe à toutes les portes
N'ayez pas peur de ne pas me voir
Personne ne peut voir une petite fille morte.

Je suis une morte de cet "Hiroshima"*
De cet "Hiroshima", ce matin d'été
J'ai 7 ans depuis cet instant
Les enfants morts ne grandissent plus jamais.

Les flammes ont tout avalé : mes cheveux,
Mes deux mains, mes pupilles
Mon corps devint cendres de papier
Cendres kidnappées par le vent froid.

Mais je ne vous demande
Ni pain, ni riz, ni rien dont j'aie besoin
Ni de bonbons à sucer
Moi qui ai brûlé comme un bout de papier

Moi, je frappe aux portes
Pour vous prier de donner un monde de paix
Où les flammes ne dévoreraient plus les enfants
Où ils pourraient sucer des bonbons
Où les flammes ne dévoreraient plus les enfants
Où ils pourraient sucer des bonbons

Notes d'interprétation

*Hiroshima est écrit en katakana, afin de souligner la référence à la ville atomisée, mondialement connue pour cela (les katakana s'utilisent notamment pour les mots étrangers, et c'est bien sûr au bombardement que ceux-ci pensent en premier à l'évocation de ce nom).

Anecdotes, Postérité



Il est tout-à-fait intéressant de noter que ni les Etats-Unis, ni même la bombe atomique, ne sont mentionnés, ce qui dénote la volonté d'élargir la portée symbolique de cette petite fille morte à bien d'autres conflits (et donc dénote aussi le talent du poète). Bien sûr Hiroshima est mentionnée: sa symbolique parle d'elle-même en tant que 1ère cible de l'arme de destruction massive la plus meurtrière et aveugle jamais inventée.
De fait comme mentionné précédemment, les artistes contestataires américains furent parmi les premiers à reprendre ce poème, notamment pour dénoncer la guerre du Vietnam...

Si le poème en lui-même est devenu depuis longtemps un symbole de pacifisme, la version de Hajime Chitose et Sakamoto Ryûichi marque désormais les commémorations de la Seconde guerre mondiale au Japon, et résonne de manière particulière depuis 2015, alors que le gouvernement Abe tente de modifier l'interprétation de l'article 9 de la Constitution japonaise (rédigée sous l'œil des vainqueurs américains) pour autoriser l'armée japonaise ("Forces d'Autodéfense") à intervenir hors du territoire national en soutien de ses alliés (essentiellement les... Américains).

Du fait du souhait de Hajime Chitose de ne pas la banaliser, sa version est longtemps restée difficile à trouver. Elle est d'abord sortie en disque uniquement (à ma connaissance) en bonus sur les versions first press et CD+DVD des albums "Hanadairo" en 2006, "Orient" en 2010 et de son Best of 2012. Puis elle apparaît enfin de manière standard dans son album de 2015, spécialement pour les 70 ans de la fin de la seconde guerre mondiale : "平和元年 (Heiwa gannen)", c-a-d "Première année de l'Ere de Paix". On peut la trouver en téléchargement spécial aussi (cf. section suivante).

La chanson a aussi été utilisée dans le film japonais anti-nationaliste Caterpillar en 2010.

Avec Ye Lai Xiang, je n'oublie pas l'autre aspect tragique de la 2nde guerre mondiale dans le Pacifique, c-a-d les victimes de l'armée japonaise...
Mais il y a aussi des choses plus joyeuses dans ce site 😅

Interprètes notables

Liens affiliés CD Japan avec extraits audio. Merci d'autoriser les cookies si vous avez apprécié l'article m(_ _)m

 
Le poème fut mis en chanson aux Etats-Unis dès les années 60 par Pete Seeger (1962) puis The Byrds (1966) sur une variation de l'air traditionnel "The Great Silkie" sous le titre "I come and stand at every door" (avec une traduction légèrement différente que celle présentée plus haut). A noter qu'il existe d'autres versions américaines sous les titres I, Unseen ou The Dead Little Girl.


Takaishi Tomoya (高石 ともや), né en 1941 et un des fondateurs de la scène folk du Kansai, l'interprète en 1967 en japonais a priori pour la première fois, sur un air folk proche de celui de Pete Seeger, un de ses grands modèles, mais plus rapide.
01/2006: best of; inclus Shinda onna no ko, Shinda otoko no nokoshitamono wa...


Sakamoto Ryûichi (坂本 龍一) : présentation détaillée ici. Le grand compositeur de musique électronique et bandes originales de films l'a mis en musique et interprété en duo avec Hajime Chitose en 2005. 

Hajime Chitose (元ちとせ): présentation détaillée ici. La chanteuse de Shima uta (chant des îles) l'a interprété pour la première fois sur la composition de Sakamoto Ryûichi en duo avec celui-ci à Hiroshima en 2005 pour les 60 ans du bombardement atomique.
Hanadairo / Chitose Hajime
Hanadairo [Regular Edition] / Chitose Hajime
05/2006: inclus Kataritsugu Koto (anime BLOOD+), Ao no requiem, Shinda Onna no Ko (version CD+DVD)...

Heiwa Gannen / Chitose Hajime
Chitose Hajime
07/2015: album de reprises en japonais de chants internationaux pour les 70 ans de la fin de la Seconde Guerre Mondiale; inclus Lili Marleen, Che Sara (Qui Saura), Shinda Onna no Ko...

MaJ 04/08/2016:
Du 3 au 31 août, vous pouvez l'acheter et la télécharger via:
iTunes:http://hyperurl.co/sindaonnanoko
Une partie de votre achat sera alors convertie en dons pour l'UNICEF.
*Fin de MaJ*



Autres sources : Wikipédia JP, reportages TV...


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